TONY JOE WHITE: Rain Crow (2016)
Coup de gueule ! Marre des albums aseptisés, ennuyeux et sans âme ! Assez des musiques standardisées et sans intérêt ! Il existe un remède contre tout ça : le dernier album de Tony Joe White, un des maîtres du « swamp-rock », ce style musical venu de Louisiane. Malheureusement, ce disque qui touche au cœur est condamné d’avance à la confidentialité. Qui oserait promouvoir cette galette subtile à grande échelle ? Pourtant, cet album ne manque pas d’atouts. Il contient deux « swamp-rocks » d’excellente facture avec une guitare délicatement saturée et le style si particulier de Tony Joe White (« Hoochie woman » et « The middle of nowhere » co-signé par Billy Bob Thornton lui-même). L’intro de « Rain crow » envoie de bonnes vibrations avec ce « finger picking » propre à Tony Joe dont la guitare va à l’essentiel. « The opening of the box » (au rythme légèrement énervé et à l’harmonica plaintif) fait aussi bonne impression. Une certaine ambiance à la Dire Straits se dégage de « Right back in the fire », une superbe pop song mélodique. « Sundown » doit s’écouter en bagnole, quand on roule dans le soleil couchant. Enfin, le lancinant et hypnotique « Tell me a swamp story » entraîne l’auditeur dans les marais de Louisiane. Le rythme se rapproche de celui des tambours indiens, l’harmonica pleure et la chaude voix de Tony Joe White réclame une histoire qui refile des frissons. On entendrait presque un alligator s’ébrouer dans les eaux noires du bayou. Que demander de plus ? Tout est là ! Mais je ne me fais aucune illusion. Cet album intimiste et envoûtant ne percera pas le mur de l’indifférence générale. La bataille est perdue d’avance. Alors oui, coup de gueule ! J’essaie de trouver une conclusion à cette chronique quand j’entends soudain une voix venue de très loin. « Calme-toi, fils ! C’est pas grave, ça sert à rien de s’énerver. Après tout, j’ai toujours fait de la musique et j’ai réussi à en vivre. J’ai apporté du bonheur à bien des gens et peut-être même à plus de monde que tu crois. Au fond, c’est tout ce qui compte. Laisse couler. Regarde, le soleil descend sur l’horizon. Viens avec moi au cœur du marais. On fera du feu, on boira des bières et je te raconterai des histoires qui te feront dresser les cheveux sur la tête. Et après, je te jouerai un petit air de guitare ! » D’accord, Tony Joe ! C’est toi qui as raison !
Olivier Aubry